2. Brief des Marquis d’Argens an den Abbé de Prades , Potsdam, 24. Juni 1752
Erstdruck in Augustin Gazier: Mélanges de littérature et d'histoire, Paris: Colin, 1904. S. 198-199
À Potsdam, le 24 juin 1752
Le roi m'a remis, Monsieur, la lettre que vous m'avez écrite, et m'a ordonné de vous répondre que vous trouverez toujours un asile dans ses états contre la persécution de vos ennemis. D'ailleurs, vous ne devez espérer aucune pension; ainsi, Monsieur, prenez là-dessus vos mesures. C'est ce que Sa Majesté m'a ordonné de vous dire expressément; mais lorsqu'il viendra à vaquer quelque bénéfice en Silésie ou quelque pension sur des bénéfices, Sa Majesté se fera un plaisir de vous en gratifier . Quant au temps où cela vous sera accordé, il peut être prochain, il peut être aussi éloigné de plusieurs mois, et même d'une année, puisqu'il faut attendre une place vacante.
Jusqu'ici, Monsieur, je vous ai écrit comme un homme qui agit par l'ordre du roi son maître; actuellement je vous parlerai comme un homme de lettres, ennemi de la superstition, qui s'intéresse au sort d'un philosophe qui est la victime de cette même superstition. Si vos affaires pécuniaires vous permettent de venir à Berlin, vous ferez fort bien de vous y rendre, parce que les princes ont besoin de voir les gens pour s'en ressouvenir. Vous courrez risque d'attendre plus longtemps la pension du bénéfice, si vous ne venez à Berlin qu'après l'avoir obtenue, que si vous vous y rendez actuellement. Vous y trouverez M. de Voltaire et moi disposés à vous rendre tous les services qui dépendront de nous, et vous y attendrez avec agrément les bienfaits du roi. D'un autre côté, si l'état de vos affaires est dérangé au point de ne pouvoir pas vous soutenir ici pendant quelques mois avec une certaine décence, vous ferez peut-être aussi bien de différer de quelque temps votre voyage. Vous m'écrirez une lettre dans laquelle vous me marquerez votre sensibilité pour les bontés du roi, et vous me direz de l'assurer que vous attendrez avec grand plaisir la pension sur le bénéfice. Vous ajouterez que vous allez écrire en France pour régler vos affaires, et que vous vous rendrez ensuite le plus tôt qu'il vous sera possible à Berlin. Pendant cet intervalle, le temps s'écoulera; la pension vous sera donnée, ou prête à vous être donnée, et vous ne serez pas sur vos crochets dans une ville où l'on vit assez chèrement.
Pardonnez-moi, Monsieur, si j'entre avec vous dans ce détail; mais comme les malheurs que les fanatiques et les prêtres m'ont fait essuyer autrefois m'ont appris à connaître ceux où peuvent se trouver les personnes qui ont été persécutées par les mêmes ennemis, j'ai cru, comme votre confrère en philosophie et en infortune, devoir vous parler à cœur ouvert.
Le roi n'a rien répondu sur l'article de M. l'abbé Yvon ; mais lorsque vous serez ici, il ne sera pas difficile de lui faire obtenir le même parti qu'à vous. Il devrait écrire une lettre au roi; cela serait en place.
Je suis avec une respectueuse considération, Monsieur, etc.
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