Lettre d'accompagnement à la copie du testament du Marquis d'Argens, datée 22 janvier 1908, Archives Départementales des Bouches-du-Rhône, signée J. Fournier, adressée au Baron H. Guillibert, Secretaire perpétuel de l'Académie, 10, rue Mazarine, Aix-en-Provence
Mon cher Maître et Ami,
M. de Magallon désirait faire authentiquer, à votre intention, en vue d'un travail que vous préparez, une copie du testament du marquis d'Argens. D'après mes renseignements, ce testament n'a pas été insinué à la sénéchaussée d'Aix ; d'autre part, il n'est point aux archives de céans. Rechercher les minutes de notaire d'Eguilles, enfouies sans doute chez un notaire d'Aix ferait perdre beaucoup de temps. J'ai donc établi et, dans la mesure du possible, certifiée une copie dudit testament que je vous envoie directement pour gagner du temps. M. de Magallon est, paraît-il, absent pour deux jours.
Bien affectueusement votre
J. Fournier
Transcription de J. Fournier certifiée conforme (Pour copie d'après autre copie présentée à nous archiviste soussigné par M. le Marquis de Magallon-d'Argens, Marseille, 21 janvier 1908. J. Fournier (" Préfecture des Bouches-du-Rhône, Archives du Département ")) :
L'an mil sept cent soixante et onze et le vingt un de mois de may avant midy, par devant nous notaire à Eguilles, et témoins soussignés, est comparu dame Barbe Cochoys, veuve de Jean-Baptiste Boyer d'Argens, laquelle nous a requis d'enregistrer et annexer en nos écritures le testament solennel de son feu mari, inscrit par nous notaire le 20 aoust 1770, ouvert judiciairement par le lieutenant général au siège d'Aix, suivant son verbal et ordonnance du 22 mars dernier, ensuitte de la requête à lui présentée par Dlle Barbe Boyer d'Argens, fille dudit feu Boyer d'Argens et de ladite requérante , assistée d'Alexandre-Jean-Baptiste Boyer d'Eguilles, son oncle, curateur pourvu à sa minorité ; l'extrait duquel verbal et requête seront aussi annexées en nos dites écritures ; à laquelle réquisition nous dit notaire adhérant, nous y avons procédé ainsi que suit :
Teneur dudit testament solennel.
Je, Jean-Baptiste Boyer d'Argens, fils à feu Pierre-Jean Boyer d'Argens, et de feue dame Angélique Lenfant, considérant la mort et voulant prévenir les contestations qui pourraient s'élever dans ma famille à cause de ma succession, j'aurois résolu de faire mon testament solennel que j'ay fait écrire à Jean-Joseph Carles, notaire dudit Eguilles, qui a signé avec moi au bas de chaque page, et à la fin, tel que suit :
Premièrement, comme vrai chrétien, je veux être ensevelli dans l'église des Pères Minimes de la ville d'Aix, au tombeau de ma famille et le plus simplement qu'il sera possible, aux dépens de mon héritage, etc.
Venant à la disposition de mes biens, je lègue et laisse à Dlle Barbe Boyer d'Argens, ma fille, que j'ay reconnu telle par l'acte solennel que j'ay passé riere[?] ledit Me Carles, le 18 Xbre 1769, et fille de dame Barbe Cochoys, mon épouse, le droit de légitime qu'elle pourra demander et prétendre sur mon héritage et, en ce, je l'institue mon héritière particulière et en tous et chacuns mes autres biens, noms, droits, actions, raisons, successions, substitutions, vaisselles d'argent, tableaux, estampes, bibliothèque, meubles et immeubles présens et à venir, en quoy que le tout soit et puisse consister, j'institue pour mon héritière universelle seule et pour le tout, dame Barbe Cochoys, ma dite épouse, pour par icelle jouir du tout d'abord après mon décès et en disposer en faveur de qui bon lui semblera, avec cette condition néanmoins que la dite dame mon épouse venant à décéder ab intestat, je veux alors et j'institue ma dite fille pour mon héritière universelle, après le décès de ma dite épouse, pour par elle en jouir et disposer à toutes ses volontés et en faveur de qui elle trouvera bon, et venant ma dite fille à décéder sans enfants mâles, je substitue mes tableaux, estampes et bibliothèque : 1° à Pierre-Jean Boyer, mon neveu, fils aîné de mon frère Alexandre-Jean-Baptiste Boyer d'Eguilles, à son défaut et à défaut d'enfants mâles, à mon autre neveu Paul-Luc, second fils de mon dit frère. Et, à défaut de celui-ci, à mon troisième neveu Alexandre-Luc Boyer, fils de mon dit frère, fesant [!] cette substitution parce que je suis bien aise que mes tableaux, estampes et bibliothèque ne sortent point de ma famille, telle étant ma volonté ; à l'effet de quoi je révoque, je casse et annule tous les autres testaments que je puis avoir fait ci-devant, et je veux que celui-ci porte son plein et entier effet que s'il ne valloit par ce titre qu'il vaille par toute autre disposition finale que mieux pourra valoir, tant par cette voix que par codicille et autre de dernière volonté. Fait à Eguilles, dans ma maison appellé Mon Repos, le 20 aoust 1770, et me suis signé avec ledit Me Carles.
Signé : Boyer d'Argens, et Carles, notaire à la fin de chaque page.
Le présent testament solennel, écrit sur 3 pages et ½, a été ouvert judiciairement ce jour d'huy 22 mars 1771, par devant le lieutenant général au siège d'Aix, suivant son procès verbal déposé au greffe, ainsi attesté par nous, greffier en chef de la sénéchaussée.
Signé : Peyse
Insertion d'extraits de cette transcription dans la plaquette du Baron de Hippolyte Guillibert (Un buste du philosophe marquis d'Argens. Paris : Typographie Plon-Nourrit et Cie, 1909. 12 p.) :
1. Le testament du marquis d'Argens
Cette pièce commence par une déclaration essentielle à mettre en
lumière. Comment cette affirmation de foi chrétienne, à l'honneur du philosophe, a?t?elle échappé ä ses biographes? Nous ne chercherons pas à l'expliquer. En voici la teneur :
" Je Jean?Baptiste Boyer d'Argens, fils à feu Pierre-Jean Boyer d'Argens et de feue dame Angélique Lenfant, considérant la mort et voulant prévenir les contestations qui pourraient s'élever dans ma famille à cause de ma succession, j'aurais résolu de faire mon testament solennel que j'ay fait écrire à Jean-Joseph Charles, notaire du dit Eguilles, qui a signé avec moi au bas de chaque page, et à la fin, tel que suit :
Premièrement, comme vrai chrétien, je veux être enseveli dans l'église des Pères Minimes de la ville d'Aix, au tombeau de ma famille. et le plus simplement qu'il sera possible, aux dépens de mon héritage. "
Vient ensuite la disposition des biens au profit de sa fille, de sa femme, et en cas de décès sans enfants mâles de la première, substitution de ses neveux Boyer d'Eguilles pour ses tableaux, estampes et bibliothèque.
Le testament se termine ainsi :
" Fait, à Eguilles, dans ma maison appelée Mon Repos, le 20 août 1770
et me suis signé avec ledit Me Carles. Signé Boyer d'Argens et Carles, notaire,
à la fin de chaque page. "
La copie, authentiquée par M. l'archiviste départemental, sur copie
de 1771, indique que " le présent testament solennel a été ouvert judiciellement
le 22 mars 1771 par devant le lieutenant général au siège d'Aix,
suivant son procès verbal déposé au greffe, ainsi attesté par nous greffier
en chef de la sénéchaussée. " Signé " PEYSE "
Cet acte des volontés testamentaires du marquis d'Argens a été arrêté et dicté en parfaite lucidité d'esprit et en plein état de santé ; c'est bien le résuItat de sentiments réfléchis que le testateur exprime, il n'a pas été dressé in extremis,
Puisqu'il est antérieur de plus de six mois au décès survenu à Toulon en 1771.
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