Ferdinand Hoefer (?): Argens, in: Nouvelle biographie générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris: Didot, 1854, t. 3, col. 118a-118b:
ARGENS ( Jean-Baptiste de Boyer, marquis D' ), littérateur français, né le 24 juin 1704 à Aix en Provence, mort le 11 juin 1771, fils d'un procureur général au parlement d’Aix. Il suivit d'abord la carrière des armes, et accompagna ensuite l'ambassadeur français à Constantinople. A son retour de Turquie, il fut obligé, pour obéir à son père, de suivre le barreau ; l'affaire de la Cadière l'en dégoûta; il rentra dans le service militaire en 1733, et se trouva au siège de Kehl, où il fut blessé légèrement. Après le siège de Philisbourg, il fit une chute de cheval qui le mit hors d'état de continuer le service. Il passa en Hollande, et trouva une ressource dans sa plume en publiant ses Lettres juives, chinoises et cabalistiques. Ces lectures charmèrent Frédéric II, alors prince héréditaire, au point qu'il voulut en voir l'auteur et l'avoir auprès de lui. D'Argens répondit qu'ayant cinq pieds sept pouces, il se croyait en danger auprès du roi (Frédéric-Guillaume 1er, père de Frédéric II). Mais après la mort de ce roi, d'Argens parut à <118a|118b>
Potsdam, reçut les clefs de chambellan avec la charge de directeur des beaux-arts à l'Académie, et dès ce moment il ne quitta plus le roi, qui lui témoigna une préférence marquée. On peut lire à ce sujet, dans les œuvres posthumes de Frédéric II, les Épitres du roi au marquis d'Argens, et du marquis au roi. A l'âge de soixante ans, il se prit d'une violente passion pour l'actrice Cochois, et l'épousa à l'insu du roi, ce que celui-ci ne lui pardonna jamais. A son retour d'un voyage en France, d'Argens eut beaucoup à souffrir de l'humeur satirique de Frédéric. Après avoir passé environ vingt-cinq ans à Berlin, il revint à Aix, où il vécut en philosophe. La mort le surprit au château de la baronne de la Garde, sa sœur, près de Toulon. D'Argens avait, comme il le disait lui-même, des dogmes qui dépendaient des saisons ; aussi faisait-il courir sa plume, dans les pays étrangers, avec une liberté qui tenait de la licence. Son modèle est Bayle; mais il n'en eut pas le génie. Il avait une ardeur de savoir qui s'étendait à tout. Il possédait plusieurs langues, s'occupait de chimie et d'anatomie, et peignait assez bien. Ses principaux ouvrages sont: Lettres juives, 8 vol. in-12, la Haye, 1754; Lettres chinoises, 5 vol. in-12, la Haye, 1755, et Lettres cabalistiques, 7 volumes in-12, la Haye, 1769, qu'on a réunies avec la Philosophie du bon sens (3 vol. in-12, 1768), sous le titre d'Œuvres du marquis d'Argens, 1768, 24vol. petit in-12 : on trouve séparément les différentes parties de cette collection ; la religion et ses ministres y sont peu respectés, le style est diffus et manque de vigueur; — Mémoires du marquis d'Argens ; nouvelle édition, augmentée d’une notice sur la vie et les ouvrages de l'auteur, par Peuchet, 1807, in-8°; — les traductions du grec en français d'Ocellus Lucanus, Berlin, 1762, vol. in-12, et de Timée de Locres, Berlin, 1765, petit in-8° ; réimprimé à Paris, 1792 et 1794, in-8°. D'Argens a aussi traduit en français le Discours de l'empereur Julien sur le christianisme, réimprimé à Genève, 1768, in-8°, avec des notes; — Mémoires secrets de la république des lettres, 4 vol. petit in-12; la Haye, et réimprimé à Amsterdam, 1744, en 7 volumes ; l'ouvrage ne dut en partie son succès éphémère qu'au titre de Mémoires secrets, qui piqua la curiosité;— Réflexions critiques sur les différentes écoles de peinture; Paris, 1750, in-12.
Chaudon el Delandine, Dictionn. historique. — Quérard, la France littéraire. — Campbell, Frederick the Great, etc., II, 261; Londres, 1842, ln-8°, 2° édit. — Thiébault, Mes souvenirs de vingt ans de séjour a Berlin, V, 321.
ARGENS (Luc de Boyer, chevalier D’), frère du précédent, chevalier de l'ordre de Malte, mort le 30 mai 1772, publia, en 1739, des Réflexions sur l'état et le devoir des chevaliers de Malte.
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