Article " Argens " dans : Dictionnaire de la Conversation et de la Lecture, Tome III, Paris : Belin-Mandar, 1833, p. 48-49 (Répertoire des connaissances usuelles).
ARGENS (Jean-Baptiste BOYER, marquis d'), né à Aix, en Provence, en 1704, était fils du procureur général au parlement de cette ville, qui le destinait à la magistrature ; mais il préféra l'état militaire, qu'il quitta et reprit à plusieurs fois, toujours détourné de suivre une carrière sérieuse par des amours successives et des erreurs de jeunesse, dont il a parlé avec assez de franchise dans ses mémoires (un vol. in-8°, nouv. Edit., Paris, 1807) : Blessé, en 1734, au siège de Kehl, puis, bientôt après, à celui de Phili[p]sbourg, il fit une chute de cheval, qui le mit hors d'état d'y remonter jamais et l'obligea d'abandonner le service. Déshérité par son père, qu'il avait mécontenté par la légèreté de sa conduite, il se fit auteur pour vivre, et se rendit en Hollande afin d'écrire plus librement. Ce fut là qu'il publia ses Lettres juives, chinoises et cabalistiques. Frédéric II attira l'auteur à Potsdam, lui donna la clé de chambellan, 6,000 livres de pension et la place de directeur de l'académie. Il devint bientôt son favori, fut de sa société habituelle et de tous ses soupers, d'autant plus choyé par lui que par sa conduite était exempte d'intrigue et de ces tracasseries que suscitèrent trop souvent à Frédéric ceux qu'il admit dans la même intimité. Mais le goût qu'il avait déjà manifesté dans sa jeunesse pour les actrices, et qui lui fit faire, à l'âge de 60 ans, la folie d'en épouser une, nommée Cochois, à l'insu de Frédéric, mit un peu de froid dans leurs relations. De retour en Provence, où l'un de ses frères, trop généreux pour ne pas enfreindre en sa faveur l'acte d'exhérédation, lui avait abandonné un petit bien, près de Toulon, il y mourut, après deux ans de séjour, dans sa 68e année, et dans des sentiments de piété qu'on ne devait guère attendre de l'auteur d'une foule d'écrits tombés aujourd'hui dans l'oubli, et qui étaient le fruit d'une philosophie plus qu'irréligieuse. Frédéric lui fit élever un mausolée dans l'église des minimes d'Aix.
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