Gustave Desnoiresterres(*): Voltaire et la société au XVIIIe siècle, 2de édition, t. 4: Voltaire et Frédéric, Paris: Didier, 1871, p. 1-29: L'intimité du Roi de Prusse: Le Marquis d'Argens
Pour se faire une idée de
la société intime de Frédéric, de ce petit
noyau de libres penseurs groupés autour du philosophe de Sans-Souci,
il nous faut entrer dans d’assez amples détails biographiques, qui,
d’ailleurs, ont bien leur importance. Ces cinq ou six fidèles, Pollnitz,
Chasot, d’Argens, Algarotti, Maupertuis, La Mettrie, lord Tyrconnel, sont
tous des originaux fort piquants à étudier, la plupart avec
un grain de folie et des faiblesses assez inattendues chez dcs sages, des
esprits forts et des sceptiques. Et puis, ici encore, nous sommes en France
: nous retrouvons ses usages, ses modes, son langage, ses beaux esprits,
ses savants, ses poètes. Le siècle précédent,
à la cour du duc de Zell, (l’un de ces mille petits princes qui
s’efforçaient à l’envi de singer les moeurs et la magnificence
du grand roi), un Français s’écriait en s’apercevant que,
de douze convives qui étaient à sa table, il n’y avait que
le maître qui ne fût pas Français: « En vérité,
monseigneur, ceci est assez plaisant; il n’y a ici que vous d’étranger(1).
»
Aux soupers ultimes du roi de Prusse se glissaient bien quelques Allemands,
à la condition toutefois qu’ils laissassent à la porte ce
qu’ils avaient d’allemand ; la majorité était française
et présidée par un Français, car Frédéric
est et sera par l’esprit, par le goût, un véritable Français.
Il ne cachera pas plus ses préférences pour notre idiome,
dont la précision et la clarté le ravissent, que son dédain
pour la langue nationale. « Il la sait, mais il en fait rarement
usage, » nous dit Bielfeld, un Allemand, lui aussi, quelque peu Français(2).
Les
princes du sang, les grands seigneurs, les courtisans, « les honnêtes
gens » parlaient français à Potsdam et à Berlin
aussi bien qu’à Versailles; et quand le maître voulait honorer
quelqu’un d’une marque particulière d’amitié et d’estime,
c’était en lui adressant une de ces épîtres en notre
langue tant soit peu ternes, mais où ne faisaient défaut
ni la philosophie, ni l’esprit, ni la malice. Tout cela explique, tout
cela justifie l’étendue accordée dans ces études à
cette période si brève mais si importante, mais si considérable
dans la vie de l’auteur de la Henriade et de Mahomet.
Celui pour qui le roi se sentit le
plus d’affection, après Jordan et Kaiserling, s’entend (mais ils
n’étaient plus ni l’un ni l’autre à l’époque où
Voltaire venait s’établir à Potsdam), envers le quel il se
montra le plus généreux, ce fut le marquis d’Argens(3).
Fils
aîné d’un procureur général au parlement d’Aix,
dont il s’aliéna de bonne heure la tendresse par l’indépendance
de son caractère autant que par des folies qu’il est juste de mettre
sur le compte de l’âge, d’Argens eut la jeunesse la plus troublée,
la plus accidentée: elle est tout un roman qu’il a pris soin de
raconter lui même, et où rien ne manque, intrigues, voyages,
aventures tragiques et galantes. Issu d’une famille parlementaire destiné,
dès en naissant, à être de robe, il ne cacha pas son
antipathie pour une profession qui cadrait peu avec son amour du plaisir,
sa haine de toute contrainte: il fallut bien, à la fin, céder
à ses importunités, à ses instances, et le placer
auprès d’un de ses parents dans le régiment de Toulouse où,
durant deux années, sa conduite fut à l’abri de tous reproches.
Mais l’heure des passions avait sonné; et, désormais, les
folies allaient succéder aux folies. Notre officier, dans un congé,
à Aix, s’éprend d’une comédienne du nom de Sylvie,
s’enfuit avec elle en Espagne où leur mariage se fût conclu,
si l’intervention d’officieux et la diligence du père ne l’eussent
empêché. D’Argens ne voulut pas survivre à un pareil
coup. Il tenta de s’empoisonner. heureusement, s’aperçut-on vite
de cet acte de démence et parvint-on à le sauver en lui faisant
avaler de l’huile, qui par des vomissements arrêta au passage le
verre pilé qu’il avait absorbé. Ramené en France,
il se vit enfermer par lettres de cachet dans la citadelle de Perpignan.
Il y demeura six moix, au bout desquels son père se laissa fléchir.
Il avait demandé lui-même à suivre M. d’Andrezel, intendant
du Roussillon, qui venait d’être nommé à l’ambassade
de Constantinople, et le procureur général donna son plein
acquiescement, espérant sans doute que les voyages assagiraient
ce naturel ardent et impétueux. On s’embarqua à Toulon pour
Alger, où notre ministre avait à faire signer le renouvellement
de la paix. D’Argens, durant ces pourparlers, poussait l’extravagance et
le mépris du danger jusqu’à s’introduire chez une belle Algérienne
que la surprise lui livra, et à se mettre dans le cas, comme il
le dit, ou d’être Turc, ou d’être empalé(4).
Mais
le péril l’enivrait, et on le verra, à Constantinople, aller
au-devant d’une mort presque certaine pour le seul plaisir de satisfaire
ses âpres instincts de curieux(5).
Ce séjour
en Turquie ne fut pas, on le suppose bien, sans aventures; mais nous renverrons
aux
Mémoires
de d’Argens, qui y fait le récit de ses
équipées avec une visible complaisance. Il repartait du reste,
six ou sept mois après, avec M. de Bonac que M. d’Andrezel était
venu remplacer, et débarquait à Toulon au bout d’une traversée
de vingt-sept jours, un peu soucieux sans doute sur ce que l’on déciderait
de lui.
En effet, le procureur général
au parlement d’Aix, qui n’avait pas vu sans chagrin son aîné
renoncer aux traditions de la famille et laisser la magistrature pour les
armes, le pressa tellement que d’Argens, dont les affaires étaient
loin d’être bonnes, dut se résigner à se faire recevoir
avocat; et, peu de temps après, on lui achetait une charge, qui
était un acheminement indispensable à celle qui lui reviendrait
un jour. Il se mit résolument à l’oeuvre et eut des succès
au barreau, qui lui inspirèrent du goût pour son métier.
La dissipation ne lui avait pas permis jusque-là de se livrer à
des occupations sérieuses; il se découvrit, avec un grand
amour, une rare facilité pour les sciences. « Je résolus
même de m’y adonner entièrement; romans, historiettes, tout
fut banni de mon cabinet. Locke succéda à madame de Villedieu,
Gassendi et Rohault à Clélie
et à
l’Astrée;
j’appris,
pour me dissiper dans mes moments de loisir, la musique, et à peindre;
et dans dix-huit mois de temps, je me rendis assez savant pour n’avoir
plus besoin de maîtres de la province. J’ai depuis poussé
la peinture beaucoup plus loin, et j’ai fait un voyage en Italie pour m’y
perfectionner le plus qu’il m’a été possible(6).
»
Mais d’Argens, comme il en fait l’aveu,
était né pour être le jouet perpétuel des caprices
de l’amour et de la fortune, et il allait bientôt retomber dans une
succession d’aventures dans le menu détail desquelles nous n’avons
pas à entrer, et prendre en horreur une profession qu’il ne croyait
convenir qu’à un pédant. Cependant, à un séjour
qu’il fit à Paris, son amour pour l’étude lui revint ; une
partie de sa journée s’écoulait dans son cabinet ou dans
l’atelier de Case, professeur de l’Académie de peinture, avec lequel
il s’était lié à un précédent voyage.
Un gain inespéré de six mille livres à la roulette
de l’hôtel de Gèvres lui permettait de réaliser un
rêve caressé depuis longtemps; il partait, trois jours après,
pour Rome où il comptait bien repaître ses yeux des chefs-d’oeuvre
entassés à tous les coins de la Ville éternelle.
Dès le lendemain de son arrivée,
il se fit présenter au cardinal de Polignac, qui le retint à
dîner. Mais il ne perdait pas de vue le but réel de son excursion
en Italie.
.
Je passai trois mois
à Rome, uniquement occupé à voir tous les jours de
nouvelles beautés: j’étais plongé dans la peinture
et dans la musique; j’avais oublié qu’il y eût des femmes
dans le monde, et je fusse parti de Rome sans y avoir pensé, si
le chevalier de Chassé, avec qui j’étais logé dans
la même auberge, ne m’eût fait connaître une jeune fille,
bonne musicienne, chez laquelle il allait souvent. Nous y faisions de petits
concerts: elle avait la voix fort belle, les yeux vifs, les façons
tendres et engageantes, ainsi que toutes les Italiennes(7). |
.
L’inflammable marquis ne tarda pas
à s’éprendre de la jeune Italienne, qui, de son côté,
partagea vite les sentiments qu’elle inspirait, et il s’ensuivit des relations
destinées à une durée fort bornée, et que devaient
raccourcir encore l’inconstance et la légèreté françaises.
Au bout de six semaines, d’Argens, très refroidi, devenait amoureux
d’une autre jeune fille, qui demeurait à deux pas de l’auberge où
il allait manger. Ninesina n’apprit pas sans grand courroux la perfidie
de son amant, et, après s’être convaincue de l’impossibilité
de le ramener, elle ne songea plus qu’à en tirer vengeance. Celui-ci
avait l’habitude de prendre le frais, tous les soirs, vers onze heures,
sur le mont de la Trinité, une promenade voisine de la place d’Espagne.
Une nuit, deux spadassins fondent sur lui, le poignard levé; il
n’a que le temps de dégainer et de s’adosser, pour n’être
pas tourné, contre la porte de la Vigne-Médicis. Sur ces
entrefaites surviennent deux Français, qui mettent aussitôt
l’épée à la main et se disposent à charger
les assaillants. L’un de ces auxiliaires dépêchés par
le hasard était ce chevalier de Chassé, auquel d’Argens était
redevable de la connaissance de Ninesina; il est, à sa grande surprise,
interpellé par une voix bien connue, celle de sa maîtresse.
Elle et Ninesina étaient venues là sous ce déguisement
pour punir un traître, et l’apparition seule des amis du marquis
avait pu entraver leur dessein. « J’ai manqué mon coup cette
fois, s’écrie l’amante délaissée; mais je réussirai
mieux une autre. » Et les deux amazones se retirèrent au même
instant, laissant l’infidèle dans un étonnement voisin de
la stupéfaction. Le chevalier chercha à apaiser ces ressentiments,
il voulut négocier. Carestina, l’amie, se fit fort d’obtenir le
pardon du marquis s’il promettait d’aimer Ninesina de bonne foi. Mais c’était
un engagement que d’Argens ne se sentait pas d’humeur à tenir. Il
préféra déguerpir de Rome, sans prendre congé,
dès le surlende-main. « Je m’embarquai pour aller à
Livourne, dit-il plaisamment, et ne fus pas tranquille que je n’eusse perdu
de vue le dôme de Saint-Pierre. »
Une circonstance fortuite vint en
aide à d’Argens, qui, en dépit des succès qu’il avait
obtenus, se sentait une vocation tout autre que celle du magistrat. Le
procès du père Girard et de la Cadière, qui eut lieu
vers ce temps, avait mis en ébullition toutes les têtes et
séparé la province en deux camps. On ne saurait se faire
une idée du déchaînement des deux partis; et l’on vit,
en pleine séance, un conseiller menacer son collègue de coups
de bâton. Personne ne se retira de cette interminable et scandaleuse
affaire, sans quelque éclaboussure, et le procureur général
au parlement d’Aix n’en fut pas plus exempt que les autres. D’Argens travailla
si bien à mettre en relief les désagréments inhérents
à la profession de robin, qu’il arracha à son père
le consentement de le laisser entrer au service. Il obtint du duc de Boufflers
la lieutenance dans sa compagnie colonelle et partit aussitôt pour
Lille. Nous ne suivrons pas d’Argens dans sa carrière militaire,
d’ailleurs si vite close. Il assista au siège de Kehl, dont il devait
emporter un petit souvenir. « J’étais détaché
de piquet ce jour-là, et je m’amusais à voir tirer des bombes
d’une de nos batteries. Un éclat qui revint pensa me couper le pouce:
heureusement, j’en fus quitte pour une meurtrissure assez considérable.
» Encore moins chanceux l’année suivante (1734), il était
culbuté par son cheval, à deux lieues de Worms, et cette
malencontreuse chute le mettait à jamais hors d’état de continuer
le service. Qu’allait-il faire? Il ne voyait guère d’autre issue
à sa situation qu’un établissement, et il écrivit
à ses parents qu’il leur serait obligé d’y penser sérieusement.
Mais il trouva de ce côté peu d’encouragement. « Ma
mère me répondit qu’elle ne s’opposait point à mon
mariage, mais que mon père ni elle ne pouvaient me rien donner;
que, n’étant pas d’humeur à planter des choux dans leurs
terres, il leur fallait du bien pour vivre à la ville, ainsi qu’il
convenait au rang que mon père y occupait; que, désormais,
elle ne pouvait plus me donner que la moitié de la pension qu’on
me faisait. Cette lettre me résolut entièrement à
quitter le monde(8)...
» Sans existence présente
comme sans avenir, car il se savait deshérité au profit de
son cadet, d’Argens, réduit à battre monnaie, se jeta dans
les bras des libraires de Hollande pour lesquels il se mit à écrire
sous le manteau une foule de petits livres, qui l’aidaient à vivre.
C’est ainsi que parurent, en une même année, les Mémoires
de la comtesse de Mirol,
les
Mémoires de mademoiselle Mainville,
les
Mémoires
du marquis de Mirmon,
les
Mémoires du marquis de Vandrille,
le
Mentor cavalier,
qui, tous, à défaut de qualités
éminentes, témoignaient d’une grande fécondité
et de plus de connaissances que n’en comportent communément ces
publications éphémères. Mais le marquis ne devait
pas demeurer perpétuellement enfermé dans ce cercle étroit
et frivole; et les Lettres juives, qui paraissaient chez Paupie,
en 1738, le révélaient brillamment à cette société
discoureuse, frondeuse, sceptique, qui les dévora. On ne les lit
plus guère de nos jours, pas plus que les Lettres chinoises,
les
Lettres cabalistiques,
la
Philosophie du bon sens; cependant
on ne pourrait refuser à leur auteur un vaste savoir, un esprit
retors et des qualités notables d’écrivain polémiste.
Ces publications eurent un succès prodigieux; leur côté
satirique et antireligieux seul leur eût valu des lecteurs, et le
scandale qu’elles soulevèrent n’eut pas moins de part à leur
fortune que l’érudition qu’on y rencontre.
On a prétendu que Frédéric,
encore prince héréditaire, séduit par cette liberté,
cette audace de la pensée, ébloui par ce déploiement
de citations, de documents, de textes, auxquels l’écrivain faisait
dire ce qu’il voulait, lui aurait témoigné l’envie de se
l’attacher; mais que d’Argens, qui savait quel terrible père et
quel terrible roi était Frédérie-Guillaume, aurait
répondu par un refus motivé aux offres brillantes dont il
était l’objet: « Daignez considérer, monseigneur, que
pour me rendre auprès de vous, il faudrait passer bien près
de trois bataillons de garde qui sont à Potsdam; le puis-je sans
danger, moi qui ai cinq pieds sept pouces, et qui suis assez bien fait
de ma personne(9)? » Cela était au moins
spécieux, et Frédéric, ajoute-t-on, lui en eût
si peu gardé rancune qu’à son avènement au trône,
il lui eût écrit: « Ne craignez plus les bataillons
des gardes, mon cher marquis ; venez les braver dans Potsdam. » Rien
ne s’est retrouvé, et pour cause, de cet échange épistolaire.
Et c’est là une de ces histoires que Thiébault a racontées,
comme beaucoup d’autres, sur la foi des traités. On voit, par sa
correspondance même, au contraire, qu’avant de songer à attirer
le marquis près de lui, Frédérie voulut savoir à
quoi s’en tenir sur la solidité de son caractère. «
Marquez-moi, écrivait-il à Jordan, de son quartier général
de Selowitz, quel est le marquis d’Argens, s’il a cet esprit inquiet et
volage de sa nation, s’il plaît, en un mot, si Jordan l’approuve(10).
»
D’Argens, précisément alors, s’attachait à la cour
de Wurtemberg, comme il nous l’apprend quelque part. « Je passai
à Stuttgard; j’eus l’honneur d’y être présenté
à S. A. S. Mme la duchesse, qui pour lors étoit tutrice des
trois princes ses fils. Cette princesse avoit beaucoup d’esprit, elle aimoit
les lettres et ceux qui les cultivoient ; elle m’accorda sa protection,
et j’entrai à son service en qualité de chambellan(11).
»
D’Argens eût souhaité
figurer auprès de cette petite cour avec un titre qui le relevât
davantage, et, sur sa demande, Frédéric lui envoyait des
lettres de créance comme chargé de ses affaires. «
Si jamais, lui écrivait le roi à ce propos, vous trouvez
de votre convenance de vous retirer, vos affaires dans le Wurtemberg finies,
à Berlin, vous y serez toujours le bienvenu, et j’aurai soin alors
de vous accommoder de la pension annuelle de mille florins. » Ces
offres étaient séduisantes, et la petite cour de Stuttgard
et ses princes, à la longue, devaient avoir tort dans l’esprit du
gentilhomme provençal, qui ne demandera plus qu’une occasion pour
changer de pays et de maîtres. La duchesse fait un voyage à
Berlin et mène le marquis avec elle. L’on s’arrête, en passant,
à Bayreuth, ce qui nous vaut un portrait de la duchesse par la margrave
qui est loin de la traiter en amie.
.
Nous comptions partir
dans huit jours, lorsque la duchesse de Wirtemberg s’avisa de venir à
Bareuth. Cette princesse, très-fameuse du mauvais côté,
alloit à Berlin, pour voir ses fils dont elle avoit confié
l’éducation au roi... Je trouvai cette princesse assez bien conservée;
ses traits sont beaux, mais son teint est passé et fort jaune; elle
a un flux de bouche qui oblige au silence tous ceux auxquels elle parle
; sa voix est si glapissante et si forte qu’elle écorche les oreilles;
elle a de l’esprit et s’énonce bien; ses manières sont engageantes
pour ceux quelle veut gagner, et très-libres avec les hommes. Sa
façon de penser et d’agir offre un grand contraste de hauteur et
de bassesse. Ses galanteries l’avaient si fort décriée que
sa visite ne me fit aucun plaisir(12)... |
.
En dépit des années,
la bonne princesse a su conserver un coeur tendre et trop tendre, et Thiébault
raconte encore que d’Argens, effrayé de la vivacité de ses
sentiments, ne trouva d’autre moyen d’échapper au danger qu’en sautant
par la fenêtre de l’hôtel de la Ville de Paris, rue
des Frères, où ils étaient descendus. Mais Frédéric
ne l’aurait pas entendu ainsi soit malice, soit égards pour la princesse
sa parente, il prétendit que celui-ci demeurât auprès
de sa souveraine qu’il dut ramener à Stuttgard, quand elle songea
à prendre congé du roi. Notez que le roi était alors
à Olmütz et témoignait ses regrets de ne pas se trouver
à Berlin(13).
Remarquons, en outre, que la
duchesse, à laquelle les occasions n’avaient pas dû manquer,
s’y prenait un petit tard pour forcer son chambellan; mais, si nous devons
ranger cela au rang des contes, il y a quelque chose de réel sous
ce faux. Il est à croire que le marquis était, pour ses péchés,
plus avancé qu’on ne le suppose ici. Un beau jour, une dispute éclate
entre eux, on se querelle, on se sépare; un raccommodement a lieu
sans dissiper toute amertume. D’Argens se met à écrire une
comédie sur l’Embarras de la cour(14)
à
laquelle la princesse riposte par une épigramme de huit vers(15).
Il
eût bien voulu profiter de cela pour ne pas retourner à Stuttgard,
mais Frédéric (et c’est la seule chose vraie de l’anecdote
racontée par Thiébault), exigea que le chambellan fît
sa paix et reprît ses fonctions auprès de sa maîtresse,
quitte à revenir ensuite en Prusse. « Il partit, il y a trois
jours, mandait Jordan au roi, en jurant contre les bienséances qui
lui font faire cent milles d’Allemagne fort inutilement(16).
»
Le marquis, après un stage d’un mois employé à faire
perdre le souvenir de démarches qui avaient déplu(17),
fut
récompensé de ses soumissions par la permission de prendre
son vol vers Berlin.
Frédéric le reçut
à bras ouverts. Il l’appelait tous les jours pour dîner avec
lui, et ils passaient ensemble des heures délicieuses dans la plus
attrayante familiarité. Mais, dans leurs entretiens, il était
question de tout, sauf du solide, sauf de l’existence même de d’Argens
qui, établi tant bien que mal dans une auberge de la ville, attendait
impatiemment que l’on fixât son sort. Thiébault raconte encore
que celui-ci, piqué au vif de cette affectation à garder
le silence sur le chapitre des appointements, aurait décoché
ab
irato un petit billet qui ressemblait fort à un ultimatum(18).
Rien,
au contraire, de plus digne, de plus respectueux que la lettre de d’Argens,
où il aborde cette question délicate mais pour lui capitale.
.
Sire, oserai-je prendre
la liberté de faire ressouvenir Votre Majesté qu’il y a environ
huit mois qu’elle eut la bonté de me promettre que lorsque je me
retirerais à Berlin, elle m’accorderait une pension de mille florins?
Si vous trouvez, Sire, cette pension trop considérable, vous pouvez
la réduire à ce qu’il vous plaira, et je serai toujours très-content.
Ce n’est pas l’appât des bienfaits qui m’a amené a Berlin,
mais la satisfaction de vivre sous un prince qui permet aux hommes de penser,
et qui pense bien lui-même.
Je supplie donc V.
M. de vouloir me faire instruire de ce qu’elle voudra hien résoudre
à mon sujet, puisque sa réponse doit régler l’étendue
de ma dépense, et qu’il convient plus à un homme de lettres
qu’à qui que ce soit de fuir le dérangement De quelque manière
que V. M. décide sur la pension que je lui demande, je serai toujours
très-satisfait, et ne m’accordât-elle jamais aucune grâce,
je serai également content d’avoir fait un voyage qui m’a procuré
le honheur de voir un prince véritablement digne de commander aux
hommes(19). |
.
Cela est bien différent de
ton et ne ressemble en rien à l’impertinente sommation qu’on lui
prête. Frédéric répondit de la façon
la plus obligeante, et renouvela ses promesses, tout en demandant quelque
répit. « Quant à la pension dont je vous ai parlé,
vous prendrez seulement patience jusqu’à l’année prochaine,
car à présent, mes affaires de finance sont encore un peu
dérangées, et il me faudra quelques mois pour les rétablir
dans un ordre convenable(20).
» Quelque dérangées
qu’elles fussent, il est difficile d’admettre que cela allât jusqu’à
empêcher d’assurer, dès le présent, l’existence du
pauvre d’Argens qui comptait sans doute sur tout autre chose qu’un ajournement.
A la fin de décembre, sa pension était encore à régler,
et notre marquis ayant cru devoir rafraîchir la mémoire du
maître, celui-ci lui répondait qu’il n’avait rien à
craindre à l’égard de son établissement et qu’il s’en
reposât sur sa parole(21).
Frédéric
finira par s’exécuter et lui donnera la clef de chambellan avec
les appointements attachés à ces fonctions. Il le nommera,
en outre, directeur de la classe des belles-lettres de son académie
et joindra à ce titre un emploi autrement délicat, celui
de recruter des artistes pour son théâtre et de traiter avec
eux de leurs modiques émoluments: car, si Frédéric
veut avoir des comédiens et des danseuses, nous savons à
quel taux, et il est plaisant de le voir débattre leurs chétifs
honoraires. Ses lettres à d’Argens à ce sujet sont des plus
curieuses, et nous y renverrons. Signalons aussi les billets de même
espèce adressés au baron de Schweertz(22),
au
comte de Ziérolin-Lilgeneau et à Pollnitz. Tantôt il
prétendra que les répétitions doivent être gratis,
par dessus le marché, « pour le roi de Prusse, » ce
qui lui attirera cette réponse de son maître de ballet: «
Les choristes et les comparses ne viennent jamais au théâtre
qu’on ne les paye(23). » Tantôt il s’indignera
qu’un fournisseur n’attende pas la représentation pour donner son
mémoire: « Dites au sieur Cori, écrit-il à Pollnitz,
qu’il est bien affamé pour me présenter à présent
un compte ponr un opéra qui ne doit pas encore avoir lieu(24).
»
Tantôt enfin, il terminera un billet où il prêche la
« meilleure économie » à propos d’un ouvrage
nouveau, par ce post-scriptum: « Faites des amours à bon marché,
car à mon âge on ne les paye plus cher(25).
»
Pour en revenir à d’Argens,
Frédéric aimait son esprit, son érudition, et affectionnait
sa personne; l’on a remarqué, qu’après Voltaire, c’est à
lui qu’il a adressé le plus de lettres(26).
Avec
les années tout cela tournera à l’aigre; mais, à l’heure
où nous sommes, d’Argens était en pleine faveur, comme le
démontre cette lettre inédite, dont nous avons extrait déjà
un fragment relatif à Thiériot, et dans laquelle éclate
la reconnaissance enthousiaste du marquis.
.
Vous aurez appris
que le roy m’a fait présent d’une très jolie maison de campagne
à cent pas de Sans-Souci et à deux cent pas de Potsdam. Cette
maisson avoit apartenu à Son Altesse Royale le Margrave Guillaume,
qui fut tué devant Prague. Le roy a eu encore la bonté de
me faire expédier un arrêt du Grand Consistoire (c’est notre
Conseil d’État), en vertu duquel je puis vendre, donner, laisser
à mes héritiers ladite maison qu’il m’avoit donnée
comme
une marque de son amitié toute particulière.
Ce sont
les propres termes. Depuis quelques jours, il m’a envoyé chez moy
du velours sizelé pour faire un canapé et les fauteuils d’un
apartement. il me fait bâtir actuellement deux ailes à ma
maison. Et ce qui vaut autant que tout cela, il me dit il y a deux mois
ces propres paroles: Mon cher marquis, votre père vous a déshérité,
et moi je veux réparer peu à peu ce qu’il a fait; j’ai donc
résolu de vous donner quatre mille livres de pension de plus, et
j’ai pris des arrangements pour qu’à la première occasion
vous ayez encor cette pension sur la Silésie.
Aussi j’espère
que dès le premier bénéfice considérable qui
vaquera en Silésie, mon affaire sera terminée; je puis vous
protester que je serois la plus ingrat des hommes si je ne regardois pas
la roy mon maître comme mon Dieu tutélaire, et je puis vous
assurer que je donnerois pour luy jusqu’à la dernière goute
de mon sang(27). |
.
Ce fut après souper que Frédéric
remit à son chambellan le contrat qui le faisait propriétaire
de ce petit domaine. On se doute bien que le lendemain, dès l’aube,
le marquis fut sur pied pour visiter sa nouvelle maison, malgré
sa paresse invétérée, peu préparé d’ailleurs
à l’espèce de surprise qui l’y attendait.
.
Il parcourt le jardin,
examine les appartements, trouve tout charmant et d’un bon goût.
Il entre dans le salon, qui était beau et garni de peintures; mais
quel fut son étonnement, lorsqu’au lieu de paysages et de marines,
il vit dans cette galerie les scènes les plus plaisantes et les
anecdotes les plus comiques de sa vie. Ici, le marquis, en officier, se
trouvait au siége de Philisbourg, et témoignait de la poltronnerie;
là il était aux genoux de sa belle comédienne; plus
loin, son père le déshéritait. Un autre tableau le
représentait à Constantinople; dans un autre, on voyait un
chirurgien occupé à lui faire une opération que ses
aventures galantes avaient rendue nécessaire; ailleurs, des religieuses,
pendant la nuit, le tiraient dans une corbeille par la fenêtre de
leur couvent; dans tous ces tableaux, le marquis reconnaissable était
représenté dans des attitudes comiques.
Ce spectacle auquel
il ne s’attendait pas, le mit dans une colère furieuse; il examina
bien tout, et ensuite envoya chercher un barbouilleur, et fit tout effacer.
Le roi, instruit de cette scène, s’en amusa beaucoup; il la racontait
à tous ceux qui voulaient l’entendre(28). |
.
Disons, sans garantir ou infirmer
l’historiette, que ces sortes de farces, souvent d’une convenance douteuse,
étaient fort du goût de Frédéric qui les poussait
parfois au delà de la limite permise(29).
D’Argens
prêtait le flanc aux plaisanteries par des petitesses d’esprit assez
étranges chez un philosophe, par des manies, des façons d’être
particulières que l’âge ne fit que développer et accroître.
Il était crédule comme un enfant, superstitieux à
un degré inexplicable. L’idée de la mort le jetait dans des
effrois qu’il ne pouvait cacher, et qui donnaient lieu à des persécutions,
des moqueries, des mystifications dont il ne se montrait pas toujours la
victime résignée mais qu’il fallait bien subir. Un jour qu’il
gardait la chambre par l’appréhension d’un catarrhe, on lui apporte
un ordre de Frédéric qui le mandait sur le champ près
de lui. Il s’habille, il arrive ; mais il est absorbé, il écoute
et répond à peine. Ses yeux se portent par hasard sur ses
jambes, il est frappé de la grosseur de l’une d’elles; et, dès
lors, malgré tout son respect pour son auguste interlocuteur, son
attention est si manifestement ailleurs que le roi, piqué de ne
pas lui arracher une parole, le renvoie en lui disant ironiquement d’aller
se soigner. Le pauvre marquis pensait n’en avoir que trop besoin. Il rentre
et épouvante tout son monde par sa mine dévastée.
Mais le vieux Lapierre, qui le savait par coeur, avait deviné les
causes du chagrin de son maître il eut bientôt fait de le rassurer
et de le guérir. De fondation le marquis portait cinq paires de
bas. Dans son empressement à se rendre à l’appel du roi,
il avait mis huit bas à la jambe droite, et n’en avait passé
que deux à la jambe gauche, de là l’enflure de la droite(30).
Ce
Lapierre(31), comme certaines soubrettes des comédies
de Molière, représentait au logis le sang-froid, la raison
et la logique; il était homme de bon conseil, et son flegme inaltérable
venait souvent en aide au philosophe. Il nous serait aisé à
cet égard de multiplier les exemples, si l’on pouvait tout citer.
La crainte exagérée de la mort est une faiblesse; bien peu
de gens toutefois sont ou assez malheureux ou assez stoïques pour
en envisager l’approche sans un secret effroi; aussi l’excuserait-on sans
trop de difficulté chez d’Argens, si c’eût été
là son unique travers. Mais il avait toutes les superstitions étroites,
toutes les pusillanimités du peuple. La rencontre imprévue
d’une troupe de pourceaux, l’aspect seul de gens vêtus de noir lui
donnaient le frisson; on ne l’eût pas fait asseoir pour des trésors
à une table où il y aurait eu treize convives, et il n’eût
rien entrepris d’important et de personnel un vendredi.
.
Je l’ai vu à
un repas où j’étais à côté de lui, raconte
Thiébault, prendre mon couteau et ma fourchette, qui par hasard
étaient croisés, et les remettre sur des lignes parallèles;
et comme je lui témoignais ma surprise de lui voir prendre ce soin,
me dire: « Je sais bien que cela n’y fait rien, mais ils seront aussi
bien comme je les place. » Sa nièce, madame de la Canorgue,
m’a raconté que, dans le temps où il travaillait à
son long ouvrage sur l’Esprit humain, il lui arriva un soir de se trouver
si bien disposé et si heureusement inspiré, qu’il ne fut
pas possible de lui faire quitter son bureau avant minuit; et qu’il vint
souper très-content de lui-même, et fort gai, quoique son
gigot se fût desséché devant le feu à l’attendre;
mais que s’étant rappelé, en se mettant à table, que
cétait le premier vendredi du mois, il était allé
à l’instant même jeter au feu tout ce qu’il avait écrit
dans la journée. |
.
Cela eût prêté
à rire dans l’homme le plus simple. Chez l’auteur des
Lettres
juives et de la Philosophie du bon sens, ces petitesses, ces
pratiques ridicules, ces inconcevables folies étaient si étranges,
si peu d’accord avec un scepticisme devant lequel bien peu de croyances
trouvaient grâce, que l’indulgence n’eût pas paru obligatoire,
sans la parfaite bonhomie et la complète candeur du philosophe.
Heureusement, dans le milieu où il vivait, il n’avait affaire qu’à
gens de son église, qui étaient plus intéressés
à cacher qu’à relever ces inconséquences, Mais l’unité
de foi ne le sauvait pas toujours des railleries qu’il fallait bien supporter,
parce qu’elles venaient de haut, et que d’ailleurs elles étaient
méritées.
.
Le jeune prince Guillaume
de Brunswick, ajoute Thiébault, en me parlant du silence respectueux
dans lequel il se renfermait à la table du roi, son oncle, me disait
que, seulement lorsque la conversation paraissait languir, il avait soin
de pousser quelque plat devant celui des convives qui semblait vouloir
en prendre, mais de le pousser de manière à renverser une
salière; sur quoi le roi ne manquait pas de s’écrier: «
Ah! mon neveu, qu’avez-vous fait ? Prenez garde que le marquis ne
s’en aperçoive! Eh! vite, vite! jetez une pincée de sel au
feu jetez-en une autre par-dessus votre épaule gauche, mais en riant.
» Et voilà comment, me disait ce jeune prince, il ranime la
conversation pour au moins un quart d’heure(32). |
.
Cet antagonisme entre les préjugés
invétérés de l’éducation et un esprit d’examen
et de négation, qui prétendait ne rien laisser debout de
ce qui ne satisfaisait point la raison pure, n’est pas un phénomène
sans analogie à cette époque, et le marquis n’est pas le
seul exemple, à la cour même de Frédéric, de
cette flagrante inconséquence entre les habitudes et les principes.
Dans un voyage où il avait Maupertuis pour compagnon de lit, d’Argens
aperçoit l’auteur de la Vénus physique se mettant
à genoux et se préparant à dire ses prières
du soir. « Maupertuis, que faites-vous? s’écrie-t-il. Mon
ami, nous sommes seuls, répondit le président de l’Académie
de Berlin. » La Mettrie, La Mettrie lui-même, dont la philosophie
bravait le ciel, n’était pas exempt de ces sortes de défaillances,
et tout son aplomb, assure-t-on, n’était pas a l’épreuve
du grondement et des éclats de la foudre(33).
L’auteur de la Philosophie du
bon sens sentait l’humiliation de ces perpétuelles défaites,
et son impuissance à se débarrasser de ces honteuses entraves
ne faisait qu’aviver sa haine contre toutes les croyances, auxquelles il
reprochait amèrement de n’avoir d’autre but que d’égarer
et de tromper les hommes. Il ne leur pardonnait point la domination tenace
des premières impressions qu’elles exerçaient sur sa maturité
et qu’elles devaient exercer sur le reste de sa vie. Et si telle ne fut
pas l’unique cause de la guerre à outrance qu’il ne cessa de faire
aux religions, à celle surtout dans laquelle il était né,
son acharnement à s’attaquer à toute superstition ou à
ce qu’il estimait l’être, trouvait son plus actif aliment dans ces
retours pénibles sur lui-même et les dures épreuves,
que lui attiraient des faiblesses à peine excusables dans un enfant.
D’Argens depuis longtemps s’était
fait un intérieur selon ses goûts et son humeur, et dont il
était difficile de le sortir. Amoureux, toute sa vie, des filles
de théâtre, il devait finir par s’acoquiner avec quelque comédienne.
Mais si c’était son inévitable destinée, disons qu’il
eût pu tomber plus mal. Voici comment il raconte son mariage, et
les raisons qu’il donne d’une décision qui scandalisa plus qu’elle
n’étonna sans doute les amis et les familiers du marquis.
.
A mon retour à
Berlin(34)
je formai le dessein, quoique au milieu
de la cour, de prendre un genre de vie qui m’éloignât du tumulte
du monde, et qui fût plus conforme au caractère d’un homme
de lettres. J’épousai une femme qui pût par ses connaissances
me rendre heureux dans l’intérieur de ma maison. Je ne songeai ni
aux richesses ni à la naissance; le bon caractère, la douceur
et les talents de l’esprit déterminèrent seuls mon choix,
et quelque disproportionné qu’il parût à mon état,
le consentement d’un roi philosophe, à qui la vertu et l’esprit
paroissent les plus grands avantages, justifia ce choix, qui a fait et
fait encore le bonheur de ma vie. Je trouve tous les jours dans madame
d’Argens, un ami sensé, un homme de lettres instruit, un artiste
éclairé, et une femme complaisante. Les bontés du
roi n’ont jamais été diminuées, j’écris ceci
dans son palais de Sans-Souci, où il m’a donné un appartement;
j’ai l’honneur de lui faire ma cour une partie du jour, et je ne remarque
jamais en lui qu’un conquérant qui oublie ses victoires, qu’un roi
qui ne se souvient pas de l’être avec ceux qu’il honore de sa société,
et qu’un philosophe complaisant qui excuse toujours les foiblesses humaines,
quand elles ne blessent pas la probité(35). |
.
Il existait, à Berlin, une
famille d’acteurs depuis longtemps attachée au théâtre
de cette ville et qui s’était fait estimer par l’honnêteté
de ses moeurs. Mme Cochois, que les mauvais plaisants appelaient la reine
mère, avait deux filles et un fils. Ce dernier, très amusant
dans les rôles d’arlequin, passa en Russie où il mourut de
nostalgie, malgré des succès qui eussent dû l’y acclimater.
L’aînée des filles, Babet, était comédienne
au Théâtre français, la seconde, qui se nommait Marianne,
première danseuse à l’Opéra. Toutes deux, fort bien
élevées par leur mère, sans rigorisme déplacé,
avec beaucoup de naturel et de tact, avaient su conquérir une considération
qu’on n’accordait pas alors aux comédiennes. D’Argens, fou de spectacle,
mêlé aux artistes par goût comme par devoir, une fois
introduit dans cet intérieur, n’en bougea plus. Il y était
venu avec l’idée d’y chercher un délassement qui fît
diversion à ses études, loin de penser qu’il y pût
trouver autre chose qu’un aimable intermède à ses occupations
favorites.
Laissons là Marianne, avec
laquelle nous n’avons rien à démêler. Babet, si sa
soeur avait la plus jolie figure, était presque laide; elle rachetait,
en revanche, son peu de beauté par beaucoup d’esprit et de raison,
du savoir, l’amour de l’étude et de rares facultés. Le marquis,
frappé de ces riches dons, encouragé d’ailleurs par la bonne
volonté, par l’envie d’acquérir de cette fille sérieuse
et intelligente, se mit en tête de lui apprendre tout ce qu’il savait
et s’y employa avec une ardeur que seconda merveilleusement son écolière.
Il était philosophe, il fallait que Babet le devint aussi. «
Vous avez de l’imagination, de la pénétration; vous avez
même de la constance, chose si nécessaire à ceux qui
veulent s’instruire, et si rare chez les dames. Pourquoi ne feriez-vous
pas valoir des talents aussi précieux? On vous a persuadé
que le temps que vous emploierez à des études, qu’on vous
dit être ennuyeuses, est un temps perdu, et moy je vous assûre
que la philosophie que je veux vous apprendre, sert d’amusement à
votre âge, tient lieu d’ami, de compagnon dans un âge plus
mûr, et de consolateur dans la vieillesse(36).
»
Et mademoiselle Cochois de répondre intrépidement: «
Eh! pourquoy craindrois-je de devenir entièrement philosophe? Vous
devez bien vous défier de vous-même, si vous ne pensez pas
que vos leçons m’ont guérie d’une erreur qui n’est que trop
ordinaire à mon sexe. »
Sur cela, l’on se précipite,
tête baissée et sans broncher, dans les pierreux et obscurs
sentiers de la métaphysique. Chemin faisant, il arrive au maître
de conter des douceurs à l’écolière qui l’en relève
assez lestement. « Les réflexions que vous m’avez engagée
à faire sur ce que vous me disiez, n’ont fait encore qu’augmenter
en moy cette haine pour tout ce qui peut nous ravir la liberté.
Je suis persuadée que vous vous étiez flatté du contraire.
Les hommes se figurent qu’il est impossible que les femmes pensent au plaisir
d’être aimées, sans qu’elles succombent à la tentation.
Si vous avez conçu de moy-même une idée aussi peu équitable,
vous avez eu tort(37).
» Mais ce ne devait
pas être là son dernier mot. D’Argens appliqua à cultiver
et orner ce génie facile et malléable et à l’initier
à toutes les branches des connaissances humaines. Il était
musicien, il était peintre; il lui apprit la musique et lui enseigna
la peinture. Elle sut l’allemand, l’italien, le latin, un peu de grec.
Sa complaisance ne s’arrêta qu’à l’hébreu, dont l’alphabet
la rebuta. D’Argens faisait des livres, elle en fit avec lui. C’était,
en un mot, un mariage intellectuel qui devait, lorsqu’on s’y décida,
justifier une union dont l’inégalité était compensée
par les grâces de l’esprit, la solidité et le charme du caractère,
tout un cortège de connaissances et de talents peu communs chez
une femme.
L’auteur des Lettres juives épousa
mademoiselle Cochois, le 21 janvier 1749. Il nous dit que le consentement
d’un roi philosophe, « à qui la vertu et l’esprit paroissent
les plus grands avantages, » légitima son choix. Cela contrarie
sensiblement la tradition, qui, du reste, elle aussi, a ses côtés
inexacts, car elle recule ce mariage en pleine guerre de Sept ans, et va
jusqu’à prétendre que Frédéric l’ignorait encore
à la paix de 1763, c’est-à-dire quatorze ans après
la perpétration de ces noces occultes(38). Nous
n’en sommes pas moins disposé à croire que d’Argens se dispensa
de solliciter un agrément qu’il n’eût pas obtenu, et que,
la cérémonie faite, il s’écoula quelque temps sans
qu’on osât se déclarer. Les amis s’assemblèrent, la
question fut débattue, longuement discutée. Enfin, il fut
arrêté que la marquise, vêtue avec une recherche élégante,
irait se promener dans les jardins de Sans-Souci, à l’heure où
le roi avait l’habitude de s’y montrer, que Milord Maréchal, qui
accompagnait régulièrement Frédéric dans sa
promenade, la saluerait de loin, ce qui amènerait cette question
inévitable: « Quelle est cette dame(39)?
»
et que milord répondrait alors le plus naturellement du monde: «
La marquise d’Argens. » Restait à savoir comment le roi le
prendrait. Il se fâcha, en effet, tempêta, fulmina, déclara
qu’il ferait casser le mariage. Mais, après ce premier transport,
il s’apaisa, et pensa que ce qu’il y avait de mieux à faire était
d’accepter les faits accomplis(40).
En définitive, d’Argens était
fort heureux de s’être associé un être doux, aimable,
complaisant, se mêlant à ses travaux, charmant sa solitude
par les talents qu’il lui devait, se pliant à toutes ses manies
et à toutes ses faiblesses. Ses faiblesses, nous les connaissons.
Quant à ses manies, elles consistaient à vivre au rebours
des autres, à s’emprisonner dans son intérieur, à
ne se coucher qu’à trois heures du matin pour ne se lever que fort
tard dans la journée, s’il se levait(41);
car,
à la moindre apparence de malaise, il s’obstinait à ne pas
quitter les draps. Le philosophe de Sans-Souci était souvent réduit
à inventer les plus étranges stratagèmes pour l’en
déloger, et l’on raconte, à cet égard, les tours les
plus saugrenus, où le souverain ne disparaissait que trop derrière
le pasquin et le bouffon.
.
Pour ton duvet, qui
sent la pourriture,
Et tes vieux draps
aussi crasseux qu’usés,
Et tes rideaux, déchirés
et percés,
Et tes coussins avec
la couverture,
Ton bon patron quitterait,
je l’assure,
Bibliothèque,
amis, biens et parents,
Pour végéter
entre tes draps puants(42). |
.
D’Argens, quelles que soient les
réserves qu’on puisse faire, est un érudit, un lettré,
un savant; il appartient a une école, triste école peut-être,
mais avec laquelle il faut compter. Il procède de Bayle, dont il
est le disciple, dont il est le successeur et le continuateur, mais non
l’égal. Si l’on ne lit plus guère son maître, quelques
rares curieux s’aventurent seuls dans la lecture de ces publications, dont
l’esprit de parti et de système les dégoûte vite, et
son oeuvre est, depuis longtemps, ensevelie dans le plus complet oubli.
Anmerkungen / Notes
*"Desnoiresterres, Gustave, franz.
Kultur- und Literarhistoriker, geb. 20. Juni 1817 zu
Bayeux, lebt als Mitarbeiter verschiedener Journale in Paris. Von seinen Schriften sind besonders diejenigen, welche sich mit dem Kulturleben des 18. Jahrhunderts beschäftigen, als Seitenstücke zu den verwandten Studien der Brüder Goncourt bemerkenswert. Sein von der Akademie preisgekröntes Hauptwerk in dieser Richtung ist: "Voltaire et la société française au
XVIIIe siècle" (Paris 1867-75, 8 Bde.). Außerdem
nennen wir: "Les cours galantes " (1859-64, 4 Bde.); "La musique française au XVIIIe siècle. Gluck et Piccini" (2. Aufl. 1875); "Grimod de la Reynière
et son groupe" (1877); "Iconographie voltairienne"
(1878); "Epicuriens et lettrés. XVIIe et XVIIIe siècles" (1879); "Les étapes d'une passion" (1882) und "La comédie satirique au XVIIIe siècle" (1884)" (Artikel "Desnoiresterres" in Meyers Konversationslexikon, Eine Encyklopädie des allgemeinen Wissens, vierte Auflage, Leipzig, 1888-1889).
Note 1Pollnitz,
Mémoires
(seconde édition, Londres 1735) t. I, p. 75.
Note 2Bielfeld,
Lettres
familières (la Haye , 1763), t. II, p. 30. Lettre XLIX; à
Breslau, le 15 d’août 1741. « Il savait assez d’allemand, raconte
Macaulay, pour gronder ses domestiques ou pour donner le mot d’ordre à
ses grenadiers; mais sa grammaire et sa prononciation étaient extrêmement
défectueuses. Il avait de la peine à saisir le sens de la
poésie allemande, quelque simple qu’elle fût. Un jour on lui
lut une traduction de
l’Iphigénie de Racine. Il tenait dans
sa main l’original français, mais il fut forcé d’avouer que,
même ainsi aidé, il ne pouvait pas comprendre la traduction.
» Lord Macaulay,
Essais historiques et biographiques, traduction
de Guillaume Guizot. (Paris, Michel Lévy, 1862), deuxième
série, p. 286.Frédéric écrivait à Maupertuis,
à la date du 20 novembre 1752, nous ne savons à quel sujet;
« Je n’entends pas assez l’allemand pour vous dire si la pièce
que vous m’envoyez est bien traduite ou non... » Cabinet de M. Feuillet
de Conches.
Lettres originales du grand Frédéric à
Maupertuis, n° 73. Du reste, il considérait l’allemand plutôt
comme un jargon que comme une langue dans le sens élevé du
mot. Ne disait-il pas à Voltaire, en 1737, qu’il ne restait d’autre
ressource aux savants d’Allemagne que d’écrire dans des langues
étrangères. »
Note 3Jean-Baptiste
de Boyer, né le 24 juin 1704
Note 4Marquis
d’Argens, Mémoires (Paris, 1807), p. 195.
Note 5Dieudonné
Thiébault, Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin,
(Didot,
1860), t. II, p. 375, 376.
Note 6Marquis
d’Argens, Mémoires (Paris, 1807), p. 233, 234.
Note 7Marquis
d’Argens, Mémoires (Paris, 1807), p. 271.
Note 8Marquis
d’Argens, Mémoires (Paris, 1807), p. 330, 331.
Note 9Thiébault,
Souvenirs
de vingt ans de séjour à Berlin, (Didot, 1860), t. II,
p. 377.
Note 10Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XVII, p. 156.
Lettre de Frédéric à Jordan; quartier de Selowitz,
l9 mai 1741 (et non le 19 mars 1742, comme elle est datée par erreur).
Note 11Marquis
d’Argens, Histoire de l’Esprit humain ou Mémoires secrets et
universels de la République des lettres (Berlin, 1768), t. XII,
p. 378, 379.
Note 12Mémoires
de Frédérique-Sophie Wilhelmine de Prusse margrave de
Bareuth (Paris, 1811), t. II, p. 335, 350. Voir, par contre, le portrait
tout flatteur, que nous fait de la princesse le baron de Bielfeld, dans
ses Lettres familières (La Haye, 1763), t. II, p. 107 à
113. Lettre LVII.
Note 13Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XVII, p. 156.
Lettre de Frédéric à d’Argens Olmutz, 31 janvier 1742.
Note 14Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.),t. XVII, p. 179.
Lettre de Jordan à Frédéric; Berlin, 14 avril 1742.
Note 15Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.),t. XVII, p. 203.
Lettre de Jordan à Frédéric; Berlin, 8 mai 1742.
Note 16Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XVII, p. 205.
Lettre de Jordan à Frédéric; Berlin, 12 mai 1842.
Note 17Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.),t. XIX, p. 5.
Lettre d’Argens à Frédéric; Stuttgard, 12 juin 1742.
Note 18Voici
ce prétendu billet: « Sire, depuis six semaines que j’ai l’honneur
d’être auprès de Votre Majesté, ma bourse souffre un
blocus si rigoureux, que si vous, qui vous entendez aussi bien à
secourir les villes qu’à les prendre, ne venez promptement à
son secours, je serai obligé de capituler, et de repasser le Rhin
dans la huitaine. » Thiébault, Souvenirs de vingt ans de
séjour à Berlin (Didot, 1860) t. II, p. 378.
Note 19Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XIX, p. 7,
8. Lettre de d’Argens à Frédéric; Berlin, 1er août
1742.
Note 20Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.),t. XIX, p. 5.
Lettre de Frédéric à d’Argens; Charlottenbourg, 1er
août 1742.
Note 21Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XIX, p. 8,
9. Lettre de d’Argens à Frédéric; Berlin, 27 décembre
1742.
Note 22Ajoutons
le baron de Bielfeld à cette liste de directeurs des menus plaisirs.
« ...Dans les intervalles de l’absence ou des maladies fréquentes
de Mr le baron de Sweërts, je me trouve encore chargé de la
direction des théâtres. » Bielfeld, Lettres familières
(La
Haye, 1763), t. II, p. 254. Lettre LXXIV; octobre 1747.
Note 23Blaze
de Bury, le chevalier de Chasot (Paris, Lévy, 1862), p. 265.
Ordre de cabinet, à Pollnitz Potsdam, le 25 septembre 1771.
Note 24Blaze
de Bury, le chevalier de Chasot (Paris, Lévy, 1862), p. 256.
Lettre de Frédéric à Pollnitz; à Potsdam, ce
20 juillet 1767.
Note 25Blaze
de Bury, le chevalier de Chasot (Paris, Lévy, 1862), p.
257. Lettre de Frédéric à Pollnitz; à Potsdam,
22 septembre.
Note 26Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XIX, p. x,
Avertissement.
Note 27Bibliothèque
de l’Arsenal. Manuscrits, B. L. F., 359. Portefeuille de Bachaumont,
Mélanges,
correspondances. Lettre de d’Argens à Bachaumont.
Note 28D’Argens,
Mémoires
(Paris,
1807), p. 61 à 63. Notice historique sur le marquis d’Argens.
Note 29Ce
n’est pas le seul trait de ce genre qu’on puisse citer. Durant une absence
de Voltaire, le roi de Prusse fait tapisser de nouveau la chambre du poète.
L’étoffe de la tenture est jaune comme l’Envie, quelques fleurs
emblématiques de la Haine et de la Trahison s’y étalent.
Le long du mur grimpent des singes; c’est, autre part, un écureuil;
autre part encore, un paon qui fait la roue à côté
d’un perroquet qui caquette. Les sièges des meubles sont recouverts
de sujets des fables de La Fontaine qui peuvent se prêter à
l’allusion. La malice n’a rien oublié ni rien omis. Telle était,
telle est cette chambre, dont l’installation a été, à
ce qu’il parait, complètement respectée. Blaze de Bury, le
Chevalier de Chasot (Lévy, 1862), p. 209, 210.
Note 30Dieudonné
Thiébault, Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin
(Didot, 1860), t. II, p. 389. D’Argens était une sorte de garde-meuble
ambulant. Pour échapper aux atteintes du froid, son ennemi mortel,
il poussait la précaution jusqu’à porter plusieurs robes
de chambre les unes sur les autres, et couvrir sa tête de deux bonnets,
celui de dessus en coton et celui de dessous en laine. Nicolaï, Anekdoten
von König Friedrich II von Preussen und von einigen Personnen die
um ihn waren (Berlin, 1790, premier cahier, p. 13.
Note 31Nicolaï
l’appelle Jean. Le nom ne fait que peu àl’affaire.
Note 32Dieudonné
Thiébault, Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin
(Didot, 1860), t. II, p 390.
Note 33Dieudonné
Thiébault, Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin
(Didot, 1860), t. II, p. 391. 427.
Note 34Frédéric
l’avait envoyé à l’armée de Flandres faire compliment
au roi de France sur la victoire de Lawfeld.
Note 35Marquis
d’Argens, Histoire de l’Esprit humain ou Mémoires secrets et
universels de la République des lettres (Berlin, 1768), t. XII,
p. 381.
Note 36Lettres
philosophiques et critiques, par Mademoiselle Co*** avec les réponses
de Monsieur d’Arg*** (la Haye, 1744), p. 3. Lettre I.
Note 37Lettres
philosophiques et critiques, par Mademoiselle Co*** avec les réponses
de Monsieur d’Arg*** (la Haye, 1744), p. 37, 38. Lettre V.
Note 38Ce
mariage était si peu un secret, il était si bien avoué,
que nous lisons dans une lettre, que nous aurons occasion de citer plus
loin, du comédien Desormes, le camarade de mademoiselle Cochois,
datée du 5 février 1751: « Il vit ici (le marquis)
avec une épouse charmante, qui rassemble en elle toutes les grâces
de son sexe, toute la solidité du nôtre, et tous les talens
du cabinet et de la société. Elle possède la musique;
elle peint supérieurement; elle sçait le grec et le latin;
elle fait des vers françois très délicats... »
Fréron , Lettres sur quelques écrits de ce tems
(Nancy,
1753), t. X , p. 109.
Note 39La
vraisemblance manque à tout cela. Qu’avait cette question de tellement
inévitable? Frédéric connaissait trop mademoiselle
Cochois pour ne pas la reconnaître, en dépit d’une toilette
plus soignée.
Note 40Dieudonné
Thiébault, Souvenirs de vingt ans de séjour à Berlin
(Didot 1860), t. II, p. 395.
Note 41Bielfeld,
Lettres
familières (la Haye , 1763), t. II, p. 114, 115. Lettre LVIII;
à Berlin, le 12 avril 1743.
Note 42Oeuvres
de Frédéric le Grand (Berlin, Preuss.), t. XIII, p. 47
à 49. Épître au lit du marquis d’Argens; 17 février
1754.
Note 43Diderot,
Essai sur les règnes de Claude et de Néron (Londres, 1782),
t. II, p. 31.
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