„St. Evremond , ayant eu le sort de presque tous les Philosophes François, & n’aiant pas moins été persécuté qu’eux, fut obligé de sortir du Roïaume : il resta quelque tems en Hollande, enfin il s’établit en Angleterre, & y finit après plusieurs années sa longue course, car il mourut âgé de quatre-vingt-dix ans, cinq mois & vingt jours, conservant toujours, non seulement dans cet âge avancé, mais même jusqu’au dernier moment de sa vie, cette imagination vive et ce jugement solide qui lui avoient acquis l’estime de toute l’Europe. Il ordonnoit dans son testament qu’on l’enterrât sans pompe : les Anglois ne voulurent point desobéir à ses ordres ; mais d’un autre côté ils ne purent souffrir qu’un homme, si digne des plus grands honneurs, en fût privé par rapport à sa modestie. Quoiqu’il ne fût point de la Religion de l’Etat, qu’il fût étranger, on choisit pour le lieu de sa sépulture un remple célebre par les mausolées des Rois d’Angleterre & par ceux des personnes illustres, que leur savoir & les services qu’ils ont rendus au Public ont fait placer dans ce lieu.
Jean-Baptiste de Boyer d’Argens : Lettres chinoises, Tome II, La Haye : Paupie, 1740, p. 47-48 (= Lettre N° 36)